L’impact de la crise sur les filières industrielles
Six industriels, représentant 6 filières stratégiques, sont intervenus lors de l’Assemblée Générale du Pôle EMC2 pour partager leurs points de vue sur la situation économique de leur filière et les axes de réponse à la crise.
La filière ferroviaire : vers un objectif important d’innovation
Brice Bernier, Directeur Général de Satys, groupe industriel spécialiste de la mobilité aéronautique et ferroviaire, s’est exprimé sur la filière ferroviaire :
“Concernant la filière ferroviaire, nous avons eu la chance d’avoir une situation de crise conjoncturelle, et non structurelle, contrairement à d’autres activités. En effet, malgré l’arrêt des activités, le transport ferroviaire urbain a déjà repris, et l’interurbain sera opérationnel à 100% autour du mois de juillet. Nous n’avons pas, aujourd’hui, dans notre filière, d’informations de report ou d’annulation de programmes.”
“Le transport ferroviaire est une filière qui avait déjà une croissance, modeste mais constante. Nous n’allons pas être dans une logique de relance, mais plutôt dans une logique d’adaptation par rapport à la situation, voire de transformation de la filière. Nous avons un enjeu et un objectif important d’innovation.”
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La filière navale : se préparer sur le plan coût, technique et environnemental
Richard Bruneteau, sourcing manager chez Chantiers de l’Atlantique a présenté sa vision pour la filière navale :
“Nos clients subissent une crise inédite qui va sûrement être longue. Tous leurs navires sont à l’arrêt et, vraisemblablement, pour de nombreux mois. Fort heureusement, ils étaient largement bénéficiaires avant que cette crise COVID-19 ne les affecte. Nos clients ont réussi à emprunter de l’argent et ils ont obtenu des reports de paiement de manière coordonnée entre les agences de crédit export finlandaises, allemandes, italiennes et françaises. Voici l’Europe concrète qui nous a permis une réponse rapide et éviter la surenchère du “chacun pour soi”. ”
“Compte-tenu des incertitudes jusqu’à la fin 2021 et de la certitude d’avoir, pour les prochaines années, un chiffre d’affaires plus faible : Chantier de L’Atlantique va devoir être prudent et économe. La plupart des embauches ont été stoppées, mais pas les embauches des ouvriers, et nous avons revu légèrement à la baisse notre programme d’investissement.”
“Personne n’a connu demain et il est difficile de faire aujourd’hui des prévisions plus globales. Nous restons sur des marchés qui ont de la pertinence. Concernant les paquebots, les premières futures commandes feront l’objet de vives batailles dans les quelques années à venir. Il faut donc que nous soyons prêts sur le plan coût, technique et environnemental. Nous ne baisserons donc pas les moyens consacrés au plan de progrès, à la R&D, à l’innovation, et bien évidemment nous utiliserons les 5 enjeux clés du manifeste pour une industrie éco-responsable.”
La filière de l’énergie : un rôle à jouer dans la relocalisation verte
Charles Cabit, Directeur Commercial Grand Ouest chez ENGIE, s’est exprimé sur le secteur de l’énergie :
“Une large partie de l’activité des clients de la filière s’est arrêté brutalement mi-mars. Au plus bas de la crise, nous avons compté quelques 50 % des sites clients à l’arrêt ou en fonctionnement très réduit. L’ensemble des segments de la filière a été impacté avec des disparités assez fortes. Très clairement, le secteur de la production d’énergie est resté totalement fonctionnel, tout en constatant une baisse des consommations extrêmement variable, de 30 à 70 %. Pour ce qui est du transport ou de la distribution, c’est extrêmement inégal. Des plans de continuité d’activité ont permis aux stations services de rester ouvertes et aux réseaux de distribution de rester fonctionnelles. Les services à l’énergie, avec les développeurs de projets visant à la réalisation d’équipements de production à l’énergie, ont été les plus fortement impactés puisque toutes les activités de travaux ont été reportés.”
“Concernant le groupe ENGIE, la reprise d’activité nous amène déjà à 70 % d’une activité normale en ce mois de juin 2020 et nous espérons être beaucoup plus proche de 100% d’une activité normale d’ici l’été.”
“Quant à la relance et à la capacité à face à cette crise, nous sommes convaincus que les acteurs de l’énergie ont un rôle essentiel à jouer en tant que partenaire indispensable à la relocalisation verte de l’industrie française européenne. Les deux axes de relance qui nous semblent déterminants pour bâtir cette filière énergie forte qui soit engagée dans la neutralité carbone et également dans le souci de la protection du citoyen sont : soutenir le développement industriel local dans sa transition écologique et contribuer à l’accélération des énergies vertes, notamment du biométhane et de l’hydrogène vert.”
La filière de l’aéronautique : vers des projets majeurs de transformation
François Paynot, directeur d’Airbus Nantes, a pris la parole sur la situation de la filière aéronautique :
“Au moment de la crise, à peu près 21000 avions étaient en service dans le monde. La crise sanitaire a réellement plongé le secteur aéronautique civile dans une situation qui est proprement inédite. En trois mois, sur les 21000 avions en vol, 14000 étaient cloués au sol de manière assez immédiate et 7000 continuaient à voler. Le niveau de trafic aérien actuel est équivalent à celui d’il y a 15 ans.”
“Tout le monde s’accorde à dire que la crise pour le secteur aéronautique est la plus grave de son histoire. Et toute la question, aujourd’hui, est plutôt de savoir quel est le scénario de reprise et à quelle vitesse allons-nous sortir de la crise. Tous les acteurs de la filière utilisent aujourd’hui cet amortisseur qu’est le chômage partiel. Pour limiter le cash out et préserver ses liquidités, Airbus aussi a revu immédiatement à la baisse ses programmes d’investissements et ses projets de R&T. Plus vite l’ensemble des acteurs seront sortis de cette phase de Cash Containment, plus vite collectivement la filière va aller vers des projets majeurs de transformation et retrouver une dynamique d’investissement, probablement avec l’aide des états, au niveau européen.”
La filière de la construction : un effort à fournir pour une transition énergétique
François Pitti, directeur prospective et marketing stratégique chez Bouygues Construction, a exposé son point de vue sur le secteur de la construction :
“L’impact immédiat a été extrêmement violent pour la filière, on évalue à 1 mois et demi d’inactivité sur 2020. En ce qui nous concerne, c’est à peu près 80 % des chantiers qui ont ré-ouvert aujourd’hui, ceci dit, avec une cadence différente.”
“Nous avons observé un impact très fort sur les méthodes de travail, l’usage du numérique et la révolution numérique, qui, en deux mois, a sûrement fait plus qu’elle ne l’aurait fait en temps normal en plusieurs années. La combinaison bâtiment-numérique nous semble extrêmement stratégique, et donc porteuse d’opportunités.”
“Il est impensable aujourd’hui de ne pas envisager la construction sans envisager l’éco-responsabilité. Il y a eu énormément de réflexions et de travail des équipes, depuis le début de la crise, pour s’assurer que tout ce qui avait été enclenché sur la transition carbone, la déficience énergétique et la transition énergétique, ne soient pas ralentis mais soient, au contraire, accélérés. Il est nécessaire que l’on trouve des solutions qui soient à la fois frugales en terme d’énergie, qui soient vertueuses en terme de carbone et qui soient peu coûteuses. Il y a là un gros effort à fournir de notre société, mais aussi de beaucoup d’acteurs, sur cette dimension de transition énergétique.”
La filière du numérique : un nouveau cap a été franchi
Robert Mitu, délégué régional Pays de la Loire chez Orange s’est également exprimé pour le secteur du numérique et des télécoms :
“Le numérique fait partie des sujets clés pour dynamiser et rénover l’industrie. On pense à tous les sujets autour de l’automatisation, de la robotisation, de l’échange des données, et puis de la 5G qui sera l’opportunité, pour le monde de l’industrie et des usines, d’avoir des échanges encore plus rapide entre les machines, d’optimiser les process, de les sécuriser et de les fiabiliser.”
“On le savait, les réseaux télécoms étaient déjà essentiels, ils sont devenus indispensables. Avec le numérique, nous avons franchi un nouveau cap dans l’utilisation du numérique et dans les modes de fonctionnement et en particulier dans le milieu professionnel.”